De l’Occident : Régis Debray – 2014
Site de Régis Debray : http://regisdebray.com/ L’Institut français de Tunisie s’associe au Collège international de Tunis pour organiser une...
Olivier Roy, né en 1949, est un politologue français spécialiste de l’islam. Agrégé de philosophie, directeur de recherche au CNRS et directeur d’études à l’EHESS il est aussi chercheur associé au Centre d’études et de recherches internationales (CERI).
Auteur de nombreux ouvrages et articles, il fut l’un des rares à anticiper la possibilité du « printemps arabe » dès 2005.
Voici quelques extraits du texte de présentation prononcé par Hélé Béji lors de sa venue le 30 mai 2003.
« L’après-guerre : projet colonialiste ou promesse démocratique ? »
Cette question n’est pas rhétorique, elle est vraiment une question intérieure à chacun de nous, en ce sens que le sort de chacun d’où qu’il vienne, en dépend.
D’un côté la décolonisation et de l’autre la décivilisation (Georges Balandier).
La décolonisation, avec toutes les nouvelles formes d’aliénation et d’oppression dont les décolonisés sont eux-mêmes responsables, en se servant de leur souveraineté comme légitimation de l’absolutisme. C’est le constat que les traditions non occidentales n’ont pas été capables de fonder un humanisme à la mesure de leurs ambitions politiques.
La décivilisation, c’est-à-dire la capacité du monde moderne à se développer contre sa propre civilisation, contre son propre humanisme. Le danger pour les Occidentaux ne vient pas de l’affrontement avec d’autres cultures, par exemple l’Islam, mais de la montée de nouveaux maux liés à la modernité et devant lesquels ils sont impuissants. (…)
Deux choses ont fondamentalement changé :
— Nous ne sommes plus dans une situation coloniale classique, qui a devant elle la renaissance nationale ou religieuse comme vertu libératrice. Celle-ci s’est déjà réalisée en sens inverse. L’anticolonialisme ne fonctionne plus de manière aussi crédible.
— Nous ne sommes plus dans une modernité émancipatrice, puisque la « démocratie » est devenue elle-même un pouvoir d’hégémonie et de suprématie, et jette le discrédit sur ses propres œuvres.
Au fin fond de ces problèmes, nous retrouvons les questions essentielles posées par Éric Weil en 1950 dans sa « Philosophie politique », à savoir se demander si la genèse de la démocratie, historiquement, s’est faite de manière démocratique, même dans les États les plus évolués. Il semble bien que non.
Le principe d’autorité a partout précédé celui de liberté, ce qu’on appelle démocratie a été régulièrement la création d’hommes et de mouvements tyranniques.
Comme il n’est pas assez de parler de vertu pour être vertueux, il ne suffit pas de promulguer une constitution raisonnable pour que la communauté vive par la raison. Il ne suffit pas non plus de parler de démocratie pour que les citoyens soient capables ou seulement désireux de prendre part aux décisions qui règlent le sort de la communauté.
Lectures :