Hommage à Jean Duvignaud – 2007

Conférenciers: Jean Daniel et Lilia Ben Salem, Ahmed Brahim, Abdessatar Chennoufi, Aziza Darghouth, Madeleine Gobeïl-Noël, Imed Melliti, Hamadi Redissi, Béchir Tlili, Laurent Vidal, Khalil Zamiti, Abdelkader Zghall, Moncef Zghidi.

Jean Duvignaud (né à La Rochelle le 22 février 1921 et mort le 17 février 2007 dans la même ville) est un écrivain, sociologue, dramaturge, essayiste, scénariste et anthropologie français.

Il a collaboré et a animé de nombreuses revues dont Action et NEF et a fréquenté assidûment Alain Robe-Grillet, Roland Barthes et René de Obaldia ; en 1958 et en compagnie d’Edgar Morin il participe à la revue Arguments ; en 1972, avec Georges Perec (qui fut son élève) et Paul Virilio, il fonde la revue Cause commune. Il a par ailleurs présidé la Maison des Cultures du Monde à Paris.

Son parcours universitaire l’a vu maître de conférences à l’université de Tunis, puis assistant à la Sorbonne et enseignant à Paris-VII.

Voici quelques extraits du discours d’accueil prononcé par Hélé Béji lors son hommage le 27 octobre 2007.

(…) C’était l’époque des années 60, quand la société ouvrait un éventail inépuisable d’horizons. Tunis était un laboratoire de prédilection pour de grandes figures intellectuelles, dont Jean Daniel est ici l’illustre témoin. Tout semblait encore possible, tandis qu’aujourd’hui, on se débat avec la pénible impression que plus rien n’est possible.

            Car Duvignaud décrivait un monde où les Chébikiens dialoguaient avec leurs enquêteurs, peut-être pour rejoindre cet ailleurs qu’ils attendaient (l’attente), ce devenir qu’ils espéraient. Mais aujourd’hui, tout le modèle est rejeté. Un matériau social nouveau surgit, inédit, qui se laisse aborder beaucoup moins facilement, s’opposant au savoir comme un autre savoir. Pour ce nouvel être social, l’héritage de Duvignaud n’existe pas, il ne le reconnaît pas, il lui ôte même toute légitimité, puisque issu d’un penseur « étranger ».

Nous sommes démunis intellectuellement face à cet objet sociologique, qui se dérobe à toute approche intellectuelle qui ne soit pas de même nature que lui. Les gens de Chebika étaient les derniers témoins émouvants d’une foi naïve et inoffensive, ils acceptaient de bon gré l’intérêt qu’on leur portait et étaient prêts à y participer. Mais les phénomènes socio-religieux qu’on voit émerger n’ont besoin d’aucun regard sociologique pour les faire exister, ni témoigner pour eux. Ils rompent avec l’enseignement de Chebika, encore empreint d’un idéal philosophique que nous connaissons bien.

Chebika prend de ce fait une dimension mythique parce qu’elle reste solitaire, inégalée. L’œuvre subit par ironie le même sort que le village, ignoré et méconnu, comme si l’ancien mépris du jeune cadre dynamique était relayé par de nouvelles entités sociales. On peut se demander si cette mutation n’a pas fait de Chebika une expérience unique, exceptionnelle, parce que la liberté et la culture dont elle témoigne, son humanisme, a  interrompu, comme Sidi Soltane, sa lignée.

Lectures :

• Tunisie [Editions Rencontres, Paris, 1965]
• Durkheim, sa vie, son œuvre, [PUF, Paris, 1965]
• Chebika, [Paris, 1968]
• Sociologie de l’art [PUF, Paris, 1972]
• Fêtes et civilisations, [Weber, Paris, 1974]
• Retour à Chebika, [Paris, 1991]
• La ruse de vivre, état des lieux, [Actes Sud, Paris, 2006]

Publié Le 27 octobre 2007