Nous sommes tous des Tunisiens : Jean Daniel – 2011

 

Pour les notes biographiques, se reporter à la conférence de Jean Danniel donnée au Collège le 16 juin 2001.

Voici quelques extraits du texte inaugural prononcé par Hélé Béji lors de sa venue le 12 mars 2011.

Merci d’être venu présider cette première conférence post-révolutionnaire. Vous aviez déjà été présent  à 3 conférences pré-révolutionnaires du Collège (…)

C’est aussi la première fois que nous tenons une réunion ici, la 35ème je crois depuis 1998, sans être hors-la-loi, puisque durant tout ce temps le Collège a existé sans autorisation, sans statut, puisque par position de principe, on ne demandait pas d’autorisation (parce qu’on ne voyait pas quelle raison sensée nous obligerait à demander au gouverneur le droit d’écouter Jacques Derrida, Jean Baudrillard et Jean Daniel et bien d’autres qui sont venus, c’était extravagant), donc exister par la politique du fait accompli, par la ruse des faibles, cette fameuse fides punica que les Romains comprenaient comme « mauvaise foi punique », ainsi on a pu persévérer, non sans entraves, mais sans dommages.

(…) Avec les Tunisiens, vous ne vous êtes jamais accommodé de leurs déviances, mais vous ne vous êtes jamais résigné à leur retirer votre amitié. Votre obstination a eu raison, et c’est peut-être finalement pour ne pas vous décevoir une énième fois que les Tunisiens ont fait leur révolution, pour ne pas trahir la promesse qu’ils vous avaient faite, il y a un demi-siècle, d’être un anticolonialiste, d’avoir cru à la liberté des peuples de se gouverner eux-mêmes. Maintenant, nous avons franchi le seuil de cette liberté que nous avions cru impossible, depuis le premier « Désenchantement », pour me citer moi-même, cette liberté que je cherchais vainement dans Nous, décolonisés, dont j’écrivais qu’elle était, qu’on le veuille ou non, l’air que nous respirons même sans nous en rendre compte, qu’elle exigeait un courage dont il faudra bien que nous trouvions la force, même si nous détournions notre regard pour ne pas la voir. C’était en 2008. Et j’ajoutais : « Elle est un devoir dont nous nous acquitterons vis-à-vis de nos enfants, même si nous ne l’avons pas reçue de nos ancêtres. L’héritage n’est pas seulement quelque chose qui remonte du passé, c’est un bien qui dévale du futur. »

Je crois fermement que vous allez nous aider ici à ne pas croire  que le 14 janvier, le mal a été totalement expulsé du corps de la nation, de nous. Car il faudra quand même que nous nous interrogions sur les causes profondes de notre complicité collective, un peu similaire à l’illusion communiste qui ne voulait pas, ou ne pouvait pas voir la réalité du fascisme sous leur doctrine, (Le Passé d’une illusion, François Furet) et qui, même chez des surdoués comme Sartre ou d’autres, les a maintenus dans une passivité ou un aveuglement quasi-staliniens. C’est un peu la maladie qui nous a frappés tous, à quelques exceptions près. Et c’est sur cette responsabilité collective que nous devons travailler pour éviter que, de la Révolution ne surgisse une nouvelle anomalie, un nouveau monstre encore pernicieux et inconnu.

Néanmoins, nous sentons que les Tunisiens ont accompli quelque chose d’irréversible. Mais ils ont un temps très court, 4 mois seulement, pour se doter non d’une politique, mais de ce qui leur a cruellement manqué, d’une éthique politique.

Pour les indications bibliographiques, se reporter à la conférence de Jean Daniel donnée au Collège le 16 juin 2001.

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