De l’Occident : Régis Debray – 2014
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Daniel Rondeau est un romancier, éditeur, journaliste et diplomate français né le 7 mai 1948. En 2008 il est nommé Ambassadeur à Malte et dès l’année suivante il organise l’opération Ulysse 2009, voyage symbolique, littéraire et politique, parti de La Valette et qui se prolongera jusqu’à Beyrouth, en passant par Tunis, Tripoli et Chypre.
Depuis novembre 2011 il est ambassadeur de France à l’UNESCO.
Par ailleurs, il est Officier des Arts et Lettres et Chevalier de la Légion d’Honneur, quant à sa production littéraire, elle a été couronnée par le prix Paul Morand de l’Académie française.
Voici quelques extraits de l’allocution prononcée par Hélé Béji lors de sa venue, le 11 octobre 2009.
J’ai commencé cet été un carnet dans lequel j’ai écrit : La Méditerranée n’existe pas. Car je me suis dit, au fond, qu’elle n’était pas un peuple, ni une nation, ni un empire, ni une puissance, (elle l’a été, coloniale, romaine, carthaginoise, byzantine, etc.) ni une race, ni un pays, ni une patrie, ni une religion, ni même une entité culturelle, encore moins politique. Il paraît qu’elle est un « processus », mais je n’ai pas compris ce que c’était.
Alors je me suis dit : c’est une chimère, au sens propre, c’est-à-dire un monstre mythologique composé de créatures diverses greffées les unes aux autres sans cohérence, un animal difforme, absurde crachant des flammes, qui n’a jamais existé, mais qui fascine autant qu’il effraie. (…)
Elle a existé quand Moncef Ghachem s’est ressouvenu de ses petits proverbes sur « Malta l’hanina, Khobz ou Sardina ».
Elle a existé quand, dans les petites rues de La Valette, j’ai vu des alignements de ganariya (de moucharabieh), qui m’ont donné l’illusion d’être, ici, dans la Médina ; mais quand j’ai regardé par terre, j’ai vu la propreté des trottoirs immaculés de La Valette tels qu’on peut toujours rêver d’en avoir, et j’ai réalisé que je n’étais pas dans la Médina. Là aussi, en soupirant, je me suis dit : pourquoi pas nous ?
Elle a existé un peu quand j’ai entendu le Grec Takis Théodoropoulos raconter qu’on l’avait réuni un jour dans un colloque, avec le Turc Nadim Gursel, avec le secret espoir d’un duel sanglant, et qu’ils en étaient ressortis les meilleurs amis du monde, détruisant ainsi pour toujours les stéréotypes sur les haines héréditaires entre Grecs et Turcs, et là, je me suis dit encore : pourquoi pas nous, Israéliens et Arabes ?
Bref, je vous fait grâce de toutes les fois où elle m’est apparue, où elle s’est mise à exister dans des choses petites ou grandes. (…)
Et si vous êtes là, vous aussi, tout comme les députés maltais, happés par cette « mer littéraire », comme l’appelait Paul Morand, c’est que la métaphysique furieuse et chevaleresque de Daniel Rondeau vous a aussi contaminés, et que incrédules, rêveurs, vous voyez aujourd’hui foncer sur vous ce météore homérique, Ulysse 2009, qui a réussi à embarquer les nouveaux argonautes que nous sommes, de Malte à Tunis puis à Tripoli, puis à Chypre et à Beyrouth ; c’est que vous aussi, vous avez entendu au fond de vous une voix fluette et persistante, pure et violente, aussi vibrante que le sifflet du matelot de la Meuse qui m’aidait à grimper l’échelle du matelot, vous entendez, comme moi, une voix qui vous répète : et pourquoi pas nous ?