De l’Occident : Régis Debray – 2014
Site de Régis Debray : http://regisdebray.com/ L’Institut français de Tunisie s’associe au Collège international de Tunis pour organiser une...
Bernard Bourgeois philosophe
Zeineb Ben Saïd Cherni philosophe
Anne Fagot-Largeault (Professeur au Collège de France)
Jean Gayon philosophe
Fatma Haddad Chamakh philosophe
Angèle Kremer-Marietti philosophe
François Warin, philosophe
Bernard Bourgeois, né le 2 septembre 1929, est un philosophe français membre de l’Académie des sciences morales et politiques depuis 2002.
Spécialiste de la philosophie allemande moderne (il est aussi traducteur des œuvres de Hegel), il est élu professeur à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne en 1989 et dirige la Société française de philosophie depuis 1991.
Il s’est notamment illustré lors d’une polémique qui l’a opposé à la doctrine de la « fin de l’histoire » de Francis Fukuyama qui voit en la démocratie libérale le point indépassable de l’évolution idéologique de l’humanité.
Voici quelques extraits du texte introductif prononcé par Hélé Béji lors de sa venue le 27 avril 2003.
Il y a une grande différence entre converser et communiquer. Je ne développerai pas l’étymologie de ces mots faute de temps, mais je dirai que la communication dans « les temps modernes » ne nécessite pas forcément la compréhension, ou l’intelligibilité du message. Ce qui compte c’est son retentissement, son rayon de diffusion, et non son degré d’intellection. C’est-à-dire que dans la communication s’établit une sorte d’équivalence du mensonge et de la vérité.
Tandis que la conversation est la vocation de l’esprit en faveur de la vérité, elle réintroduit en permanence l’intelligibilité, l’effort d’intelligibilité du monde dans un souci constant de commerce des autres, la fréquentation de la compagnie. Donc vocation de l’esprit en faveur de la vérité.
Tandis que la communication, j’aimerais la définir comme la spoliation de l’esprit en faveur de la puissance. On retrouve là presque l’antinomie pascalienne de la force et de la vérité.
Donc une des formes d’avant-garde de la liberté est de créer un lieu humain de parole, de conversation, face au non-lieu du monde de la communication. La liberté n’est pas du tout de dire ce que l’on veut, ou ce qu’on a envie de dire. Ce n’est pas ça la liberté. S’exprimer comme on dit. Ce spontanéisme existentialiste n’a rien à voir avec la liberté. La liberté c’est de pointer, de déceler, de démonter, d’identifier, de discerner (acte de discernement) les nouvelles formes d’aliénation ou de servitude intellectuelle qui se dessinent pernicieusement dans les despotismes rampants de chaque époque.
Cet esprit de conversation, au sens philosophique du terme de noble échange avec ses pairs, vous en êtes l’un des représentants les plus illustres, à travers la Société française de philosophie dont vous êtes le Président et dont vous avez célébré le centenaire en 2001.
La Société française de philosophie est une société savante, une société fermée qui recrute d’abord ses membres chez les membres de l’Institut, au Collège de France et à La Faculté. En ont fait partie les plus grands philosophes du siècle : Brunschvick, Bergson, Halévy, Lalande, Durkheim, Gilson, Gouhier, Gabriel Marcel et les étrangers, Russel, Einstein, Cassirer.
Vous fonctionnez selon un principe plus aristocratique que nous et en ce sens nous ne pouvons pas être qualifiés de société savante (vous avec fabriqué le dictionnaire de Lalande). Par contre, le point commun qui nous rapproche, c’est ce que vous appelez le climat « d’intransigeante amitié philosophique » où les débats durent quatre heures, où tout le monde se tutoie « Que faire devant tant de gens qui se tutoient ? » c’est-à-dire où l’amitié est inséparable de l’esprit de la discussion c’est-à-dire où la civilité n’est pas un code de politesse plaqué, mais la formule morale et philosophique de la pensée socialisée, de la mise en société commune de nos travaux individuels.
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