De l’Occident : Régis Debray – 2014
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Jean Daniel, écrivain et journaliste français, fondateur de l’hebdomadaire « le Nouvel Observateur », est né le 21 juillet 1920 à Blida (Algérie).
Dès sa jeunesse il se passionne pour l’œuvre d’André Gide et fréquente plus tard les « Amis de la revue Esprit ». Très attaché à une certaine culture méditerranéenne, doté d’une sensibilité marquée à gauche, mais éloignée du marxisme, il participe à la libération d’Alger aux côtés des troupes américaines le 8 novembre 1942.
Son engagement politique et intellectuel lui vaudra de devenir le « protégé » d’Albert Camus dont il fait la connaissance en 1947. Après diverses aventures éditoriales, il se lance dans le journalisme en 1954 en publiant ses premiers articles dans « l’Express ». Ses positions, favorables à la cause algérienne, lui vaudront deux inculpations pour atteinte à la sûreté de l’État ; en juillet 1961, il est grièvement blessé alors qu’il couvre les « évènements » de Bizerte.
Devenu depuis l’un des acteurs majeurs du « Nouvel Observateur » (centre gauche), il en assure chaque semaine l’éditorial.
La production littéraire de Jean Daniel est riche de mémoires, d’articles et d’essais politiques, il est par ailleurs titulaire de nombreux prix, distinctions, et décorations (prix Albert Camus pour « l’Ami anglais », 1994, Docteur honoris causa de l’université d’Alger (2004), commandeur de la Légion d’honneur, commandeur de l’Ordre national du Mérite, etc.
Voici quelques extraits du texte inaugural prononcé par Hélé Béji lors de sa venue le 16 juin 2001.
Vous êtes un rebelle des crimes de l’humanité, mais pas un inquisiteur de leurs péchés.
Vos engagements sont des recueillements actifs, et non des actions spectaculaires, et vos carnets, la mémoire intemporelle de vos papiers journaliers, sont vos « vérités d’un jour », puisque c’est la définition que vous donnez du journalisme. Cela ne veut pas dire que vos engagements soient inconstants, changent au gré des jours, au contraire, mais que vos souvenirs, vos retours sur soi, vos prières affectives, vos réminiscences littéraires, vos amis disparus, vos illusions défuntes, vos ruptures, vos rencontres, toute votre mémoire en composent le filtre, le tamis quotidien, artisanal, domestique, où vous distinguez au milieu de tous les cailloux, quelques rares pépites qui brillent d’un éclat clair et obscur, noir et blanc, or et fer, à travers cette double membrane toujours tendue en vous : la haine de la violence et la quête du bonheur (Michel Foucault vous a rectifié, de la « volupté »).
Vous avez deux dons exceptionnels : comprendre et raconter. Vous les revendiquez. Vous avez une tournure d’esprit où votre narration est toujours une pédagogie de l’actualité, vous me faites penser à nos profs de science naturelle qui nous emmenait dans les bois pour herboriser, et c’était bien plus drôle qu’en classe ; vous êtes un herboriste de l’espèce politique, et, ayant soin de ne pas arracher les plantes humaines à leur terreau, mais en en leur montrant que leurs graines peuvent essaimer partout.
Vous avez défendu l’Indépendance de l’Algérie, mais, à peine quelques jours (ou mois) après, un de vos articles est interdit. Un demi-siècle d’amitié avec les Tunisiens, et pour je ne sais quelle courtoise impertinence, le ministère de la Culture, je veux dire de la Censure, retire vos livres et mutile votre article. Mais vous êtes quand même là. Ce qui vous irrite ne vous offense pas, et ce qui vous blesse ne vous abaisse pas. Comme les vrais moralistes, vous corrigez les vices des hommes par la satire, non par l’anathème. Dans le bréviaire de vos passions, vous supprimez les transes de l’adoration à votre endroit, et quant à l’amour que vous avez voué aux décolonisés toute votre vie, vous avez mis juste quelques points d’exclamation à leurs nouvelles idolâtries. Vous leur avez causé un gros chagrin !
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