De la dictature à la démocratie, le modèle espagnol : Felipe Gonzales – 2011

 

Felipe Gonzalez

Voici quelques extraits du discours de bienvenue prononcé par Hélé Béji lors de sa venue le 18 mars 2011

« (…) Sous votre direction, durant 14 ans, l’Espagne a fait sa révolution démocratique sans Révolution, c’est à dire sans chute de l’ancien régime, mais en vidant peu à peu l’Etat franquiste de ses résistances autoritaires, catholiques, conservatrices, et en le transformant, par un mélange d’audace et de maturité qui a été la clé de votre réussite et de celle de tous les Espagnols.

Avant d’avoir été chef de gouvernement en 1982 à 40 ans, vous avez été dès l’âge de 20 ans une personnalité charismatique du PSOE dont vous prenez la direction à 32 ans au Congrès de Suresnes.

Vous avez opéré un certain nombre d’avancées irréversibles, en travaillant à chasser définitivement les démons de la guerre civile des années 30, et en faisant en sorte, aidé en cela par l’évolution de la société elle-même, de surmonter les fantômes tragiques de la discorde entre les cléricaux et les anticléricaux, en faisant entrer dans la modération les élites de droite et de gauche.

Vous avez compris que le jeu démocratique ne pouvait se faire que sur fond de réconciliation.

Vous avez accepté le compromis avec le régime monarchique, qui vous garantissait le consensus du sentiment national, de l’hispanidad, alors que la majorité des socialistes étaient des Républicains.

Vous avez donc accepté de renoncer à la république pour sauver la démocratie. Au fond, vous êtes un politique antidogmatique(…)

Dès que vous avez été au gouvernement, en 1982, et durant 4 mandats successifs, Vous avez compris que les Espagnols étaient prêts, en particulier les classes moyennes, pour une réconciliation qui les délivrait de la tutelle des franquistes et des antifranquistes.

Vous avez su vaincre le pouvoir catholique en faisant voter des lois comme celle pour l’avortement, ou par la remise en question de statut de l’enseignement privé catholique, en faveur d’un enseignement public. Vous avez accéléré ainsi  le retrait du catholicisme des affaires de l’Etat et son emprise sur la société, encadrée par une religion populaire et ritualiste. Vous avez créé une sécularisation irréversible de la vie politique espagnole

Vous êtes sorti victorieux de toutes vos audaces intellectuelles, par exemple, vous avez perçu que les classes moyennes n’étaient plus en phase avec la rhétorique anticapitaliste et marxiste, et vous avez fait renoncer votre parti au marxisme. Vous avez gagné (…)

Vous n’avez pas fait une Révolution mais vous avez fait des révolutions avec une cohérence exemplaire, redoutable, sans déchirement, au point que la droite n’a pas eu le temps de s’en apercevoir. Vous avez fait sans agressivité, sans revanche, ni obsession du passé, et Vous avez dû affronter aussi les autonomies régionales et les outrances séparatistes terroristes et révolutionnaires des séparatistes basques.

Au fond, Vous avez su éliminer les séquelles du franquisme sans ruiner la légitimité de l’Etat espagnol, mais en lui donnant au contraire un rayonnement mondial avec votre vision méditerranéenne, avant-gardiste à l’époque, peut-être animé par votre origine andalouse (vous êtes né à Séville), par votre ambition transnationale européenne, et par une Espagne que vous avez voulu aussi ibéro-américaine.

Vous êtes donc à la fois la parfaite synthèse d’un révolutionnaire sans dogmatisme et sans doctrine, d’un Espagnol sans nationalisme chauvin, d’un Européen sans européocentrisme, d’un libre-penseur chrétien sans culpabilité ni imposture religieuse, d’un socialiste sans haine de classe, d’un républicain sans jacobinisme, d’un démocrate sans populisme et sans démagogie, bref d’un démocrate exceptionnel, qui vient nous aider à tirer de la Révolution du 14 janvier l’énergie non pas de la toute-puissance révolutionnaire, mais de son autocontrôle, de son autodiscipline dans l’invention d’une méthode pour parvenir à la démocratie. La libération est une chose, la construction de la liberté en est une autre. »

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